Prologue : un secret enfoui à tout jamais...

 Orléans, durant l’année 1231. L’Inquisition a été créée il y a peu. Elle a pour but de juger les personnes dites hérétiques. Les sorcières, les cathares, les vaudois… Tous y passeront un jour. Cependant, dans un coin reculé et non loin de la forêt, trois hommes et une femme se livrent à des pratiques étranges… La nuit est sombre. La maison semble abandonnée. L’intérieur n’est constitué que d’une seule pièce, sans meubles, nue. A la lueur de bougies, trois personnages sont assis en cercle. Un quatrième est assis au centre, avec un étrange objet. Cet objet, semblable à un collier, a été commandé par ces quatre mêmes personnes. Le forgeron qu’ils ont mandé a fait son travail avec une rare perfection. Le bijou, qui ressemble au dessin et à l’idée de ces curieux personnages, est accolé à une chaîne. C’est une forme assez complexe, mais elle a la particularité de s’ouvrir, laissant en son intérieur l’espace suffisant pour y glisser un mot, un objet, et d’autres petites choses à la taille adéquate. Le rituel auquel se confrontent ces quatre personnes est dit « interdit ». Pourquoi ? Tout simplement car il s’agit de choses non conformes aux règles mises en vigueur. De la sorcellerie, autrement dit. Mais rien ne peut ni ne pourra les empêcher de mettre leur secret en lieu sûr…

Jean, Marie, Pierre et Guillemot sont tous les quatre des sorciers. Mais le tribunal de l’Inquisition ne le sait pas, ou du moins, pas encore. Pour la simple et bonne raison que, à la différence des autres, ils n’agissent pas chez eux, mais dans une maison abandonnée et soit-disant maudite.

Jean est le frère de Marie. C’est ensemble qu’ils ont trouvé un sortilège pour pratiquer l’invisibilité. Ils ont écrit leur formule dans un langage peu connu dans ce bas monde. Rédigé en runes, il n’est possible de le lire que si l’on en connaît les significations et les usages. A lui seul, Jean a aussi réussi à concocter un sort pour voler dans les airs, tels des oiseaux. Le tout est écrit en latin, sauf les « mots » liés aux paroles.

Pierre est le frère de Guillemot. Il a découvert un rite de téléportation ainsi qu'un mot pour voyager dans le temps. Lui aussi a écrit son « secret », en langue latine, mais les « mots rituels » sont en runes. Le simple mot, quant à lui, est formulé en runes.

Guillemot est l’époux de Marie. C’est lui l’initiateur du rituel. Il a fait écrire aux trois autres leurs sortilèges dans une sorte de cahier, fermé par une « ficelle » en métal. Il a trouvé un endroit, inconnu de ses compères, où il a enterré ce secret. Pour atteindre ce lieu, il a rédigé des directives. Directives qu’il a fallu protéger. Il a donc eu l’idée de créer une amulette. Et de la sceller au moyen de runes : Mannaz, Othalaz, Raidho et Teiwaz…

mort

Ils décidèrent donc de fixer le jour du rituel, qu’ils nommèrent « rituel du cahier », au jour de pleine lune. Quand vint ce fameux jour, les quatre sorciers se rendirent dans le plus grand secret à la maison à l’orée du bois. Marie, Jean et Pierre s’assirent en cercle autour de Guillemot, qui tenait d’une main l’amulette, de l’autre un poinçon et une petite masse. Entre chaque personne, sauf Guillemot, il y avait une bougie. Ils se tenaient tous main dans la main. Guillemot mis des morceaux de papier dans l’amulette, il la scella, grâce à la cire d'une des bougies, puis la plaça au creux d’un tissu à même le sol. Les trois autres commencèrent à psalmodier des chants rituels. Ils en entonnèrent en tout quatre chants. Un pour chaque rune de « protection ». Pendant chacune des psalmodies, Guillemot gravait la rune dont il était question sur l’amulette. Ce rituel dura une grande partie de la nuit. Le lendemain matin, Pierre enroula le bijou dans le tissu, et Jean chercha un endroit où l’enterrer. Ils choisirent un pommier, car ce jour qui se levait était un vendredi. Il y avait peu de pommier. Jean du chercher longuement avant de pouvoir trouver l’arbre...

mort

Les jours passèrent, sans que personne ne vienne leur chercher misère. Mais quelques années après ce qu’ils firent, des représentants du tribunal de l’Inquisition vinrent leur porter à chacun un acte d’accusation. Motif : usage de la sorcellerie. Preuves : des personnes les auraient surpris, tous les quatre, à se rendre dans la forêt lors de certains jours. On leur fit subir de nombreuses tortures, plus horribles les unes que les autres. On les fit marcher sans repos, sur de longues distances, au pas militaire, à allure rapide, les pieds nus. Ils gardèrent le silence, même en voyant leurs pieds ensanglantés. S’en suivirent d’autres, plus pénibles encore. Mais jamais ils n’avouèrent. Puis ils leur ordonnèrent de descendre dans l’eau. Le « test ultime ». Tous flottaient. Le chef de la brigade d’Inquisition les arrêta puisqu’il avait eu la preuve qu’ils étaient sorciers. On fit plaquer la date de l'exécution, qui se déroulerait le surlendemain. Pendant deux jours, on prépara le bûcher. Il fut apporté des quantités de bois incroyables. On fit ériger quatre immenses poteaux de bois. Un pour chaque condamné. Ces derniers avaient été placés dans quatre cellules assez éloignées les unes des autres. Au matin de la condamnation, on attacha les sorciers aux poteaux avec de solides cordes, sous les rires et les injures du village. On ajouta les derniers morceaux de bois, et une fois que tous furent descendus, on mit le feu à cette construction éphémère. Trois heures durant, on vit le feu ronger le bois puis atteindre les condamnés, qui ne paraissaient pas effrayés, qui subissaient leur sort comme on va à la messe. Une quatrième heure commença. Il n’y avait plus grand monde sur la grande place. On sonna la demie. Ne restait qu’une petite fille, âgé d’à peine dix ans. Quand toutes les flammes furent éteintes, elle s’approcha des cadavres. Sur l’un d’eux, elle remarqua un étrange bijou. Non un collier, mais un bracelet. Malgré la chaleur qu’il émanait, elle l’attrapa, le glissa dans un tissu et rentra chez elle.

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On ne nettoya la place que le lendemain. On récupéra les cadavres, les cendres et les restes de bois et on les envoya vers la maison près de la forêt. Un écriteau fut placé devant les restes du bûcher. « A quiconque entrera dans cette maison ou cette forêt : voyez votre futur ! »

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