I.
 Tu le savais pourtant. C'était dangereux, et tu les as emmené là-bas. Tu savais très bien qu'elle n'y survivrait pas, qu'elle était trop fragile pour réussir à aller là-bas... Tu voulais juste te débarrasser de Lui ? Parfait, tu les as perdu les deux. C'est cela que tu désirais, au fond de toi ? Ne pas être seul pour accomplir un étrange périple dans des contrées lointaines ? Merveilleux, la solitude est ta meilleure amie, à présent. Tu l'aimais, cette jeune fille. Pourtant tu n'as pas hésité à la sacrifier, en la laissant mourir à feu doux dans le froid glacial... Peut-être que tu devrais te remettre en question, un peu. Peut-être que dans le fond, tu n'est pas le garçon courageux que Lily espérait trouver en toi. Peut-être que finalement, tu n'es qu'un fuyard. Peut-être que, en vérité, tu ne méritais pas l'affection que Lily te portait. Il fut un temps, pourtant, où tu aurais pu te racheter à ses yeux...

Étendu dans la neige. C'était comme ça qu'il s'était endormi. Il s'en souvenait encore. Il s'était même largement dévêtu, puis allongé en caleçon dans la douce neige. Mais là, il s'éveillait, -ou peut-être rêvait-il ?-, emmitouflé dans de chaudes couvertures, près d'une âtre où crépitait un feu chaleureux. Une voix féminine riait doucement tandis que quelqu'un lui expliquait les circonstances dans lesquelles il avait trouvé ce « marmot ». Non. Il ne rêvait pas. Il était vivant. Contre tout espoir. Quelqu'un l'avait découvert. Ses sens lui revenait peu à peu. Sa peau trouvait les couvertures salvatrices rugueuses. Son nez lui offrait le plaisir de la douce odeur du bois. Sa langue retrouvait le goût d'une soupe revigorante qu'on avait du lui faire boire. Ses oreilles lui donnait à entendre le doux son d'un rire semblable à celui de Lily. Seuls ses yeux ne réagissaient pas. Serais-je devenu aveugle ? Mes yeux sont-il engourdis ? songea-t-il. La faim s'éveilla en lui, quand il entendit le tintement des assiettes et de la louche dont devait se servir une des personnes. Cette faim lui tenaillait le ventre. Il sentit son corps s'alourdir puis il sombra de nouveau dans un semi-comas. Il entendit juste la femme dire des mots dans une langue inconnue. Puis le noir.

C'était il y a longtemps. Ce jeune homme couvert d'immondes cicatrices avait eu une enfance plus ou moins heureuse. Il avait quand même eu le droit à l'amour de ses parents, de ses frères et sœurs. Mais on lui avait retiré son bonheur. Le jour de son douzième anniversaire, sa famille était partie chercher un gâteau, comme il se devait. Mai jamais elle ne revint. On lui raconta en détail le drame qu'il arriva à la famille Felliponne. La boulangerie était à quelques kilomètres du domicile familiale. Monsieur, madame et deux de leurs enfants étaient de retour de cette petite boulangerie. La route était tranquille. En face, un tracteur, comme on en trouve souvent de part la campagne. Derrière, un conducteur pressé. Trop pressé. Il s'élança, ignorant toute limite de vitesse, à l'assaut pour doubler ce tracteur trop lent. Monsieur n'eut pas le temps de freiner, de s'écarter, de faire quelque chose pour empêcher l'accident. En ce jour qu'était le douzième anniversaire de leur enfant, monsieur et madame Felliponne décédèrent des suites d'un grave accident de voiture. La mort emporta aussi le nourrisson de quelques mois, Sophie. Le fils aîné de la famille s'en sortit avec de graves séquelles. Séquelles qui l'arracheront à la vie doucement...



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